\n
search

Accueil > Archives > Les Classes > Classes à caractère scientifique > Archives > 71 - Classe science et patrimoine - Lycée Bonaparte - Autun > Journées archéologiques d’Autun

Journées archéologiques d’Autun

lundi 23 mai 2016

Cet article est proposé par Marguerite Bertrand, élève de la classe science et patrimoine du lycée Bonaparte d’Autun. Il retrace la conférence à laquelle ont assisté les élèves, dans le cadre des journées archéologiques d’Autun.

PNGLa journée a commencé par un discours d’accueil du maire. Il a présenté les journées archéologiques et insisté sur le fait que la ville d’Autun a été l’une des premières à organiser une journée consacrée au bilan des travaux et recherches archéologiques effectués. Il a ainsi rappelé la richesse du patrimoine autunois, pour lequel un service archéologique avait été créé, d’ailleurs le seul qui existât en Bourgogne, avec celui de Besançon en Franche-Comté, puis il nous a communiqué son espoir de voir le service archéologique toujours rattaché à la vie de la ville afin d’en faire découvrir le passé. Il a conclu en saluant le travail considérable fourni par le service du patrimoine et le musée, qui contribuent à mettre en valeur la richesse historique considérable d’Autun.

PNGL’archéologue Yannick Labaune a ensuite pris la parole, remerciant tout d’abord Angélique Tisserand, à qui nous devions la réalisation de la Journée archéologique et le travail de communication effectué autour de cet évènement. Il a ensuite mentionné la direction régionale des affaires culturelles (Drac) de Bourgogne-Franche-Comté, l’UMR Artémis, et enfin tous les participants à la Journée, comme les étudiants chercheurs de Bourgogne-Franche-Comté, l’Université de la Sorbonne, les archéologues de l’Inrap, la société Archéodunum dans une certaine mesure, et enfin les auditeurs. Yannick Labaune a alors pu nous présenter le thème de la matinée, à savoir les recherches menées sur le site de la Genetoye.
Il a commencé par nous présenter le théâtre romain : c’est la propriété de la ville depuis 1900, et l’étude de l’extension et de l’organisation spatiale du complexe antique est une opération qui a mobilisé de nombreux chercheurs. Les découvertes jusqu’à aujourd’hui : le théâtre, le temple dit de Janus et un bâtiment au sud-est du temple, sous une pâture. Dès 2013, des prospections géophysiques ont révélé des bâtiments monumentaux. Des fenêtres ont été pratiquées et des relevés radars ont été effectués : on arrive à l’image d’un bâtiment à exèdre, qui avait déjà été partiellement exploré par J.G.Bulliot au XIXème siècle.PNG Les recherches d’aujourd’hui permettent d’apporter des informations supplémentaires aux observations de Bulliot, comme l’existence d’une exèdre, de pièces linéaires et d’un axe de symétrie central dans le bâtiment. Le fait de pratiquer dans le sol une fenêtre de 700 m² a permis de restituer l’architecture du monument, par symétrie donc. Pendant la réalisation de ces travaux, l’université de Franche-Comté a utilisé un drone afin de prendre une multitude de vues du terrain, comme une mosaïque. Les photographies sont calculées pour se recouvrir toutes les unes les autres afin de permettre la réalisation d’une sorte de maquette en 3D. De plus, lors de la campagne de 2015, cette même technique a été utilisée pour la construction d’une orthophotographie à la fin de chaque semaine de fouilles.

Des études ont également permis d’effectuer un relevé parfaitement précis dans le secteur de canalisations (avec des photographies prises au sol), mais aussi de montrer des paléosols (c’est-à-dire d’anciens sols) judéo-claudiens, donc antérieurs à la construction du monument, dans lesquels a été retrouvé un matériel important : des fibules, de petites lampes et un joug, qui sont autant d’éléments caractéristiques des dépositions en contexte de sanctuaire. Enfin, les différents états de la construction ont pu être mis en évidence. Ainsi, un terminus post quem a montré le premier état du bâtiment en 70 après JC ; il ne possédait pas d’exèdre. Très peu de sols de circulation de cette époque sont parvenus jusqu’à nous. L’analyse d’un deuxième état révèle la mise en place d’un système de chauffage, car des couches carboneuses ont été retrouvées ; c’est également à cette époque qu’a été construite l’exèdre. Au IIème et IIIème siècles, on constate l’ajout d’une pièce placée quelque peu en décalé par rapport au reste du bâtiment. L’état suivant correspond à une période d’abandon et de démantèlement ; de petits morceaux de conduits de chaleur témoignent d’une récupération tardive. Enfin, au XVIIème siècle, des matériaux ont été prélevés sur le site afin d’être réemployés dans la construction.
Il est apparu que le bâtiment, dans son premier état, partait d’une base carrée placée au centre. Quant à l’exèdre, une étude architecturale a montré un écart de presque 2 mètres, ce qui s’explique par le fait que le bâtiment était déjà construit, en élévation.
La superposition du plan de Bulliot avec le relevé géophysique (par radar) permet de restituer le bâtiment complet, en croisant les données avec les éléments aperçus par Bulliot lors de ses fouilles. On aboutit à deux plans successifs : un état du plan central avec une volée de pièces, et une exèdre. L’exèdre comprenait une canalisation (dont on a retrouvé le fond de briques et de tuiles, avec des montants en pierre, et un mur, dont les matériaux ont été en grande partie pillés). Les archéologues s’interrogent ensuite sur la fonction qu’avait ce bâtiment. Avions-nous affaire à des latrines ? Dans ce cas, le mur aurait eu comme fonction d’isoler cette pièce du reste du bâtiment. Une autre hypothèse est qu’il se soit agi de thermes. Une réflexion a été menée sur l’absence de sol de circulation ; on devine des étages relativement hauts, avec un rez-de-chaussée et d’autres pièces : les archéologues restituent une élévation avec plusieurs niveaux. Quelques traces de déposition de calcite ont aussi été relevées, qu’on pourrait penser dues à la circulation de l’eau dans des zones riches en mortier. Le chauffage par hypocauste arrivait jusque dans cette pièce qui avait la forme d’une abside monumentale. Par comparaison avec le macellum du Vieil-Evreux, les chercheurs ont un temps pensé que le bâtiment avait pu servir à abriter un marché, mais cette hypothèse a été écartée en raison du chauffage ; en croisant les indices trouvés avec des données en rapport avec une structure antique retrouvée à Bourges, les archéologues ont fini par déduire que l’hypothèse des thermes était la plus plausible.
Pour relier les différents niveaux du bâtiment, on doit imaginer plusieurs escaliers et, entre le bâtiment lui-même et l’exèdre, un espace à l’air libre, peut-être un jardin.
Cet été, en juillet, une opération aura lieu, qui permettra de mieux comprendre l’extension en arrière du théâtre et de l’interpréter ; du même coup, cela indiquera peut-être quand démarre l’occupation du secteur, bien que certains indices nous aient déjà révélé qu’elle était un peu antérieure à la construction d’Augustodunum. Il faudrait aussi savoir s’il y a eu un sanctuaire secondaire (ce que laisseraient penser les fibules et autres offrandes retrouvées sur le terrain). Pour l’instant, nous ne connaissons pas de structures en lien avec la première phase d’occupation.

PNGLa classe a ensuite assisté à l’intervention de Martine Joly et de Philippe Barral, qui nous présentaient les résultats de la troisième campagne de fouilles, menée sur le site du temple dit de Janus, à la Genetoye, dans le but de comprendre la « genèse » du sanctuaire et de déterminer, là aussi, à quand remonte la plus ancienne occupation du site. On se questionne aussi sur la raison de la construction du sanctuaire à Autun et on cherche à comprendre son organisation et son évolution en différentes phases. Lors de la campagne de fouilles de 2015, le système d’entrée dans le sanctuaire a fait l’objet d’une étude ; les informations qui en ont été retirées sont que le terrain a été occupé plusiaurs fois, dont deux au Moyen-Âge, ce phasage a pu être précisé par datation, alors qu’une coupe stratigraphique a mis en évidence la superposition des états. Pour les quatre états antiques, les archéologues ont remarqué une élévation progressive des niveaux de fonctionnement, par remblai.
La première phase d’occupation remonte au IIè ou au Ier siècle avant JC ; les aménagements n’ont pas encore été identifiés. La deuxième phase d’occupation a été caractérisée par une structure en empierrements, bien que l’état soit tout de même lacunaire, sans bâtiments, on voit que des fragments de tuiles ont été réutilisés : c’est un indice de romanisation. Les maçonneries étaient en pierres sèches. Les archéologues ont aussi retrouvé une importante quantité d’ossements d’animaux, environ 4000 restes. Grâce à cela, les chercheurs ont pu caractériser l’assemblage de faune : une majorité de moutons et de porcs. D’après Patrice Méniel, les moutons, dont de nombreuses têtes ont été rejetées là, ont été abattus matures, alors que les porcs ont été tués beaucoup plus jeunes : il s’agit alors de déchets secondaires de préparations bouchères. Ainsi, les archéologues ont compris qu’une partie des animaux avait été consommée sur place et que le reste avait été rejeté. Quelques monnaies et céramiques ont également été retrouvées et correspondent à l’époque Augusto-Tibérienne. A la troisième phase, on trouve un ensemble cohérent de structures maçonnées qui semblent délimiter un péribole, ce qui rappelle donc le temple. Du péribole, on a retrouvé l’aile orientale, avec ses tranchées de fondations et des fragments de pierre calcaire et de schiste. De plus, à l’angle du péribole, les archéologues ont retrouvé, associé au temple, un bâtiment possédant un piédroit et un seuil en bois dont l’empreinte a été retrouvée ; l’état antique ce bâtiment a ensuite été recouvert au milieu ou dans le deuxième tiers du Ier siècle après JC. La tour du temple, qui est encore visible de nos jours, date de la troisième époque. La campagne de recherches de 2015 a mis en évidence des vestiges jusqu’alors ignorés, qui constituaient un système d’accès au temple, dont l’espace était agrandi car il était entouré de galeries. En effet, on accédait à la cella par un porche, suivi d’un vestibule avec un escalier. Le dessous de ce dernier a été exploré, avec les fondations de la cella ; on a également remarqué que le mur de la galerie était formé de deux murs, l’un découvert, et l’autre sous l’actuelle route. La décoration qui ornait les murs a également été retrouvée ; il s’agissait de plaques de schiste autunois fixées à un enduit. Le mobilier présent a permis une datation autour du Ier siècle.
Pour ce qui est de l’époque médiévale, une vaste enceinte a été découverte en 2013, avec l’évocation d’une tour, du XIème siècle à la fin du XIVème. Le deuxième état témoigne de l’implantation de structures artisanales avec un sous-sol ; peut-être était-ce une forge. L’étude des céramiques et monnaies trouvées sur le terrain situe l’atelier au XVème siècle ou à la première moitié du XVIème siècle. On trouve aussi les indices d’une activité post-médiévale, avec une sépulture et un puits comblé entre le XIXème siècle et le XXème.
En conclusion, la vision du temple et de ses environs a été bien complétée cette année (les archéologues nous ont fait voir un plan montrant l’ensemble des vestiges du site), le but étant de restituer une tour de la cella et la galerie en périphérie. Le sol de la cella est surélevé par rapport à la cour de la galerie. L’accès par le porche était très évolué et sans doute couvert. On peut établir une comparaison avec le site d’Alésia, pour lequel des fouilles ont mis en évidence dans un sanctuaire un temple avec une allée centrale sans couverture comme à Avenches, Le Cigognier. Chaque année de fouilles apporte plus d’informations, et l’an prochain, le sud-est de l’entrée sera étudié ; en 2017, le travail portera sur l’intérieur de la cella et les vestiges du premier temple construit, sachant que le grand temple était de type « fanum ».
L’archéologue Filipe Ferreira nous a ensuite présenté le parascenium sud du théâtre du Haut-du-Verger (non loin du temple dit de Janus), qui a fait l’objet d’une étude lapidaire. Le bâtiment du théâtre a été découvert dans les années 1970, et des fouilles concernant les gradins ont eu lieu en 1977. La question se posait de savoir si un monument antérieur pouvait exister sous le théâtre, ce que des fouilles ont confirmé en 2014 ; là encore, le monument avait subi plusieurs transformations au fil des époques. Il y avait donc différents états. Tout d’abord, sous les fondations, un mur antérieur arasé a été découvert. Il s’agissait d’un bâtiment probablement monumental, avec une entrée importante et directe vers l’orchestra. Il paraît clair que plusieurs édifices se soient succédés (un théâtre progressivement agrandi) ; en effet les fondations découvertes et les maçonneries appartiennent à des époques différentes. Des canalisations qui longeaient le parascenium ont été découvertes, les archéologues ont également compris que pour éviter l’effondrement du bâtiment, ses maçonneries ont été consolidées avec des éléments hétéroclites. Des salles à l’arrière ont été ensuite ajoutées et une inscription commémorant la reconstruction du théâtre a été mise au jour ; on peut alors penser qu’il s’agissait très probablement d’un acte d’évergétisme.
Les découvertes faites en 2013 ont permis une restitution en hauteur, ce qui a été facilité par plusieurs éléments retrouvés comme un chapiteau toscan et un chaperon de mur. En effet, le monument s’était effondré sur lui-même, ce qui facilitait la tâche ; c’est ainsi que les éléments fragmentaires ont pu être reconstitués grâce à d’autres, plus complets. Un fragment d’arc maçonné et des traces de chaînage ont permis de restituer l’élévation de la salle à exèdre, même si différentes propositions existent, comme celle d’une couverture par un toit à deux pentes.
Au cours des fouilles, une inscription a été retrouvée, à un endroit où seule une partie de la population avait le droit de passer, ce qui laisse penser que l’inscription était peut-être destinée à quelques personnes en particulier, mais il est difficile de le savoir, car il s’agit d’une disposition inédite pour une inscription. Les archéologues pensent aussi à quelques similitudes, pour les parties hautes des murs, avec le théâtre d’Orange, mais celui-ci est sur une pente, il appartient à une « famille » différente et on ne lui connaît pour l’instant pas de parascenium. L’accès au théâtre se faisait par les angles monumentaux, ce qui conduisait peut-être directement à l’orchestra. On note aussi que selon le public, l’endroit d’entrée était différent : en effet, l’élite passait par un côté de la façade, alors que les autres personnes venaient par l’arrière, mais on ne sait pas s’il en était ainsi à Autun. Ce grand vestibule était peut-être l’occasion, pour un notable, de créer un « hall d’accueil » un peu plus important ; ce sera d’ailleurs l’objet de nouvelles fouilles. D’autres questions se posent aussi, par exemple, le théâtre était-il ouvert ou fermé ? Y avait-il un arène aménagée à l’intérieur, comme il était courant en Gaulle ? (mais il faudra attendre d’avoir des informations sur la scène du théâtre pour pouvoir apporter une réponse à cette dernière question).

Après la pause, nous avons assisté à l’intervention d’un étudiant en archéologie sur la production de figurines en terre cuite blanche sur le site de la Genetoye.
Nous avons ainsi appris qu’une fouille a eu lieu en 2014 au sud du théâtre, et qu’ont été découvertes des productions de potier avec des gobelets à boire et des objets liés à la fabrication de figurines ; par exemple, on a identifié 190 individus : 104 figurines, 74 valves de moules et deux oscilla. Cette production de figurines a pu être classée par thèmes. Nous avons ainsi, tout d’abord, les représentations de divinités, parmi lesquelles on compte : pour les Déesses mères, 49 valves de moules et 18 figurines. Pour les Vénus : deux valves de moules et 34 figurines. Une figurine de Mercure a également été mise au jour, avec un original vernis orange, lisse et brillant. Une typologie très détaillée des figurines a ainsi pu être établie. On trouve ainsi deux types de Déesse mère, eux-mêmes subdivisés en différents groupes selon les plis du vêtement au niveau du genou, et deux types de Vénus. Il y a aussi différentes sortes de personnages : tout d’abord, les bustes d’enfants. Les figurines de type « risus », dont deux valves ont été retrouvées, puis une figurine de cucullatus (personnage vêtu du cucullus), ensuite deux personnages indéterminés (deux figurines), une figurine de personnage féminin, et trois autres figurines. Notons aussi une certaine quantité de représentations animales : une valve et quatre figurines de cheval, trois valves de moules pour le taureau, une tête de chien, une figurine de lapin, deux figurines de poule mesurant 2 cm, trois figurines de pigeon. On nous a ensuite parlé des socles et oscilla. Des socles de vénus et de cucullatus ont été retrouvés, avec des oscilla dont un qui était original. Quatre coroplastes et 16 signatures ont été identifiées, dont celle de Pistillus.
Plusieurs états ont été identifiés. Le premier remonte à entre 70 et 110 après JC ; huit figurines datent de cette période, mais la production demeure incertaine. On trouve ensuite un deuxième état, entre 110 et 170 après JC, années durant lesquelles furent produites plus de figurines, dont des Déesses mères ; on y rattache aussi le début véritable de la production. Une autre période s’étend de 170 à 240 après JC, on recense 99 individus, dont la production était contemporaine de celle des autres ateliers du faubourg d’Arroux. On peut alors émettre l’hypothèse d’un atelier produisant des moules. En effet, on trouve beaucoup de figurines de Vénus et peu de valves de moules ; et c’est l’inverse quant aux Déesses mères. Puisqu’il y a une majorité de Déesses mères, on pourrait penser que l’artisan s’était spécialisé dans la production de moules.
En parallèle, les objets retrouvés ont été étudiés grâce au scanner 3D. Ainsi, par l’intermédiaire de modèles numériques, il a été possible de reconstituer des objets, d’effectuer des analyses. Une comparaison numérique en coupe et une méthode de tests qui a été répétée sur chaque surface ont permis d’associer des valves pour former le bon moule et de tenter de rattacher à chacun la figurine qu’il a formée. L’intervenant a ensuite formulé sa conclusion : Autun, et surtout le faubourg d’Arroux, était donc un centre important dans la production de figurines au tournant du IIIème siècle après JC, avec peut-être une production précoce au IIème siècle grâce à l’atelier étudié, qui aurait plus particulièrement travaillé à la fabrication de moules ; pour terminer, l’étudiant nous a communiqué ses espoirs de trouver ultérieurement des précisions sur le site.

Marguerite Bertrand

Retrouvez désormais l’actualité scientifique de la région académique sur la page CSTI du site régional de la DRAEAC.

Cliquez ici si cette page n'est pas redirigée automatiquement